A propos de l'âge du départ à la retraite

Dans la version initiale du billet j'écrivais : "La réforme des retraites est un sujet dont beaucoup de monde parle avec chacun y allant de ses arguments sans vraiment connaître le sujet ou alors occultant volontairement les vrais objectifs cachés derrière cette réforme". 

En ce mois de janvier 2023 nous entrons dans le vif du sujet.

L'occasion de faire une mise à jour du billet qui propose une analyse critique du sujet pour ajouter un peu de pédagogie à l'attention de ceux qui n'auraient pas les données pour en avoir une vision critique. 

Contexte du billet "A propos de l'âge du départ à la retraite"

La gauche a instauré la retraite à 60 ans, mais avec un taux plein à 65, la droite a reporté cet âge à 62 et en a profité pour décaler le taux plein à 67 et allongé la durée de cotisation. 

Schéma montrant les différentes périodes de la vie de la naissance à la retraite.


Quand on entend parler de retraite à 65 ans sans parler de du taux plein doit on en déduire qu'il passerait à 70 ans.

Pour les salariés du privé il faut rappeler également que si la retraite de base est bien à 62, pour les insensibles aux difficultés des régimes de retraite complémentaire qui partiraient quand même à 62 ans on leur colle une minoration de 10% de leur complémentaire pendant 3 ans.

Bon tout ça en supposant le nombre de trimestres ou d'années de cotisation atteint. 

Sinon, à moins d'avoir atteint l'âge du taux plein (actuellement 67 ans) le montant de la pension sera diminué d'un facteur dépendant du nombre de trimestres manquant.

Comme vous pouvez le constater il y a plein de paramètres dont personne ne parle vraiment, je vous propose d'en faire une description dans le cas que je connais bien pour affuter votre esprit critique et vous inviter à poser les bonnes questions.

Les différents régimes de retraite

Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, la proposition de tout regrouper de façon dogmatique reviendrait à changer les règles du jeu pour certains en cours de carrière ce qui n'est pas acceptable sans précaution.

Certains gagnent moins, ont des contraintes de travail le week-end par exemple mais ont à côté un panel de compensations qui motivaient les embauches... on casse tout ça et après on ne comprends pas la colère des intéressés ? Il faut faire une étude globale et non pas décider pour le bien de la communauté.

Il est bon de rappeler aussi que d'autres ont leur pension de retraite calculée sur les derniers mois donc sont assurés d'avoir une retraite convenable même s'ils ont commencé en bas de l'échelle. 

J'oublie volontairement le pactole accumulé par certaines caisses "convoitisés" par les financiers de tous bords, personne n'avouera que c'est un argument pour la réforme... 

Mais revenons à notre sujet que je propose d'aborder un peu plus en détail. Le cas des salariés du privé affiliés aux régimes AGIRC ARCO mais qui devrait permettre d'aborder les différents points de vue 

Les différentes périodes de l'existence

Dans l'illustration partagée en introduction,  il est proposée un découpage idyllique de la vie.

Entre la jeunesse insouciante et la retraite méritée on imagine bien un épanouissement au travail. 

Idyllique en effet car côté insouciance de la jeunesse ça dépend hélas trop souvent du milieu d'origine, pour l'épanouissement au travail ça peut devenir assez vite compliqué et pour la retraite méritée, si la pension ne permet pas le maintien du train de vie et que la santé ne permet pas d'en profiter, il peut y avoir des désaccords sur cette description.

J'en suis conscient mais l'objectif est de revenir sur les variables à prendre en compte.

La durée de ce que je qualifie de jeunesse de 0 à T 

Le monde du travail de T à R de durée C pour simplifier

La période de retraite de R jusqu'à la fin de vie... 

On notera que je n'ai pas parlé de durée d'études, certains commencent à travailler pour financer les leurs, d'autres vont tranquillement jusqu'à leur doctorat financé par leurs parents. 

Cette distinction sera évoquée dans la relation durée études durée de cotisation âge de départ. Mais c'est déterminant dans mon analyse des arguments de nos politiques qui ont des enfants que je qualifierai plutôt favorisés pouvant prolonger leurs études. 

La période d'activité

Qu'on le veuille ou non,  bien que la notion de job grading ait voulu faire sauter cette notion, la courbe d'évolution de salaire atteint une limite au delà de laquelle le salarié ramasse des miettes pour laisser la progression possible aux jeunes pleins d'avenir, la compression de la masse salariale contraignant encore plus le système.

Vous vieillissez, vous êtes potentiellement plus sujets aux arrêts dus aux pathologies qui finissent par arriver, donc votre employeur aura la préférence pour des jeunes pleins d'avenir.

Après 50 ans c'est fini pour la majorité, la retraite à 60 simplifiait la gestion de cette fin de carrière. Repousser à 65 relève du rêve pour ceux qui vont avoir trimé toute leur existence et finiront forcément virés pour l'importe quel motif, même abusif depuis le plafonnement des indemnités pour protéger l'escroc et non le salarié (mais là je m'éloigne du sujet !).

Donc retraite plus tard a un impact mécanique sur les régimes de chômage et sur les coûts des arrêts maladie. On peut rêver remettre les séniors au boulot mais en bonne santé et motivés par une progression salariale ?

La relation entre T, R et C 

Maintenant que nous avons évoqué quelques éléments connexes (liste non exhaustive, je pourrai mettre à jour ce billet à l'occasion), regardons une relation simple, pour échapper aux minorations nous avons au minimum 

T + C = R

Donc pour quelqu'un qui commence avec un bac + 5 (donc milieu souvent favorisé) T = 23 ans, pour 42 ans de cotisation ça donne R = 65 ans...

Vous imaginez ces politiques qui posent de façon dogmatique cet âge comme objectif impératif ?

Leurs enfants ne sont pas concernés par cette proposition de réforme.

Par contre 65 permet d'imposer à la majorité de travailler plus longtemps que la durée de 42 ans.

En conclusion : mesure pour les riches

Objectivement, il est évident qu'il y a plus de petits salariés, donc plus à faire cotiser. 

Même si la citation est fausse, elle a un fond assez réaliste 

Mazarin à Colbert : "Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches, rêvant d'être riches et redoutant d'être pauvres. C'est ceux-là que nous devons taxer, toujours plus. Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C'est un réservoir inépuisable”.

Pour les cotisants on peut généraliser la notion de "réservoir inépuisable" 

Nota : un Bac + 5 ayant commencé plus tôt sera de fait pénalisé une seconde fois. Il aura dû bosser pour suivre ses études et devra cotiser plus longtemps. 

On parlait d'un Président des riches, encore une mesure pour les riches.

Travailler plus longtemps, c'est augmenter la durée de cotisation pour être équitable, par changer l'âge de départ ! 

Enfin, après avoir taxé les séniors pour financer la suppression de l'ISF (je sais, c'est un propos partisan, mais j'assume), maintenant un nouvel argument arrive : on veut financer les grandes réformes avec cette réforme. 

On ne parle plus d'équilibre des caisses de retraite, normal elles vont bientôt arriver de façon conjoncturelle à un équilibre... 

Quand vous entendrez parler de ce sujet vous aurez maintenant quelques questions à vous poser et à poser à vos candidats. 

Personnellement je milite pour un âge de départ à la retraite à 60 ans, un taux plein calé sur la durée de cotisation plafonné à 65 ans. 

Pour la durée 42 ans c'est pas mal il me semble, on pourrait moduler cette durée en fonction de la pénibilité ou autres raisons (dont les enfants élevés bien entendu, peu importe qui a élevé d'ailleurs).

L'objectif est de permettre l'atteinte de cette retraite méritée.

Pour équilibrer tout ça oeuvrer pour le plein emploi de 18 à 60 ans, pas d'essayer de faire bosser les anciens qui aspirent à profiter de leur retraite.

Enfin, je n'ai pas détaillé le bilan complet de l'impact sur les caisses de chômage et sur la sécurité sociale du passage de 60 à 62 ans, les chiffres seraient révélateurs.

Billet mis à jour par Louis CHATEL le 3/01/2023 (édition initiale du 2/06/2022)

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