Le plus doué de la classe... adulte le plus heureux ?

En voilà une bonne question qui peut attirer votre attention sur les panneaux publicitaires :

Le plus doué de la classe sera-t-il l'adulte le plus heureux ? Vous avez 2 heures.

Personnellement j'ai un peu de temps, je vais essayer d'y apporter des éléments de réponse.

Contexte du billet "Le plus doué de la classe sera-t-il l'adulte le plus heureux ?

J'aime bien le concept "vous avez 2 heures", ça me rappelle de lointains souvenirs où effectivement il fallait plancher dans le temps imparti sur un sujet imposé. J'ai d'ailleurs déjà utilisé une formulation similaire dans le billet : La motivation est-elle une compétence ?

Bien que ce ne soit pas ma spécialité, essayer de formaliser une réponse de façon argumentée constitue un passe temps enrichissant, après on compte sur les commentaires reçus pour éventuellement progresser, mais là c'est tout à fait théorique, sur les réseaux sociaux certains sujets polémiques font le buzz, d'autres passent inaperçus, mais ça n'empêche pas de partager au cas où.

J'avais déjà été attiré par cette publicité d'Acadomia il y a quelque temps, là j'ai pris la peine de la photographier dans le RER, histoire de penser à publier ma contribution sur le sujet.

Après avoir surfé sur la toile, au cas où je trouve une explication sur le message, j'ai découvert au passage une propriété du moteur de recherche d'images Google qu'il trouvait le texte dans les photos ! (propriété vérifiée dans photos où la photo prise dans le RER sans aucune autre indication a été retrouvée).

Pour les autres recherches, on découvre que les réponse proches de la requête "Le plus doué de la classe sera-t-il l'adulte le plus heureux"... mettent en exergue de nombreuses publications, mais je n'ai pas trouvé la cible de ce message d'Acadomia.

Je me contenterai donc de commenter ma réaction face à cette question.

Le plus doué de la classe?

La question commence fort, comment définir l'élève le plus doué de la classe ?

Avec le jeu des coefficients, de mon temps, être fort en maths et en physique était suffisant pour arriver en tête d'un classement par la moyenne.

Parler du plus doué en mathématiques limite les effets des coefficients, mais là encore il y a des bons en calcul, d'autres en géométrie... le "plus" restera coincé dans le référentiel utilisé et sa grille d'évaluation.

Dans ma classe de terminale C, pour le Bac il y avait 4 avis très favorables... j'en étais, donc pourrait prétendre être un des plus doués, mais est-ce vraiment le cas ?

Si le plus doué était celui qui avait le plus d'amis, toujours élu comme délégué de classe, voire qui obtenait systématiquement le 1er prix de camaraderie (une autre époque), ce n'était pas forcément le même classement.

En plus la note finale peut être le résultat d'un travail conséquent "pour se mettre à niveau" pour certains alors que pour d'autres les réponses sont relativement simples à trouver sans effort particulier.

L'exemple d'un dessin effectué à main levé de façon magistrale par certains en 3 traits alors que d'autres après des heures de travail acharné sur une feuille devenue grise à force de gommage n'arrivent pas à représenter le sujet illustre il me semble le concept d'être doué en dessin et là on arrive à aborder la notion de "don".

Etre le plus doué serait-ce avoir le plus de dons ?

Le don d'éloquence sert, voire est indispensable, dans certains métiers, mais ça peut se travailler, cf. La parole est un sport de combat où je vous reparlais de B Périer déjà croisé dans le film À voix haute, la force de la parole (qui a fait l'objet du billet Je suis Saint Denis).

Est-ce à dire qu'un don ça s'acquiert ?

Selon les définitions données par le Larousse, non, car ce serait de l'inné.
Don : Talent, disposition, qualité de quelqu'un, que l'on considère comme innés, naturels : Avoir un don pour la musique.
Doué : Qui a des dons, des aptitudes : Une élève très douée, douée pour la musique.
(De) Doté par la nature de : Elle est douée de bon sens.

Donc comme je n'ai pas beaucoup travaillé au lycée pour obtenir des bonnes notes en maths et physique, ça voudrait dire que j'étais doué... le plus doué ?
Je ne saurais répondre à cette question, mais nous avons une piste sur le message qui pourrait être
faut-il être doué à l'école pour être heureux ?
Et de fait, présenter le travail pour arriver à obtenir des résultats comme plus important pour réussir (de mémoire d'autres messages tournent autour du fait qu'il n'y a pas de mauvais élèves, il faut juste trouver les bons professeurs)... Mais la vocation du service d'Acadomia n'étant pas l'objet de ce billet, revenons donc à la question posée.

L'adulte le plus heureux ?

Seconde partie de la question, pour définir l'adulte le plus heureux il conviendrait de s'entendre sur la notion "d'heureux".

J'en imagine certains contester le fait qu'adulte soit défini, effectivement certains ne franchissent pas cette étape et restent enfants ou adolescents à vie, d'ailleurs peut-être sont-ils plus heureux comme ça.

Si on rattache heureux à la notion de bonheur, là j'ai déjà partagé dans le billet La définition du Bonheur l'importance de considérer le bonheur comme le chemin et non comme la destination. 

Dans l'absolu, j'ai du mal à penser qu'on soit heureux tout le temps : il y a des hauts et des bas, donc le plus heureux à un moment donné peut devenir le plus malheureux à un autre.

Par contre, en "moyenne", une personne bien dans sa peau aura plus de facilité à ne pas sombrer dans le malheur et arrivera à passer les crises plus facilement.

Donc la question pourrait être doué pour surmonter les crises ou formé à affronter les crises ?

Une enfance malheureuse conduit elle inexorablement à une vie malheureuse ?

L'éducation reçue influe forcément sur la suite, il est important de ne pas éluder la question.

Certains classent la réussite professionnelle, chiffrée en K Euros annuels, comme seule condition de bonheur, et placent cette réussite devant tous les autres critères.

Un adulte heureux serait donc un dirigeant du CAC 40, tous les autres n'ayant pas atteint cette position ayant de fait échoué... puisque qu'il n'y a que 40 entreprises ça en fait des malheureux !

Plus sérieusement, j'échangeais dernièrement avec une personne mettant en avant l'épanouissement dans son métier plutôt que le salaire (avec exemples à l'appui) et je partage ce point de vue : l'argent ne fait pas le bonheur, par contre le manque d'argent peut générer du malheur, cf. A propos de Maslow, le socle de la pyramide reste un incontournable, mais pas besoin de K Euros pour passer cette étape.

Nota : si on retient la définition proposée par le Larousse
Se dit à ou de quelqu'un dont on pense qu'il bénéficie d'un sort extrêmement favorable : L'heureux homme.
On rejoint la notion de don... et en fin de compte il y aurait comme un alignement de planètes : être heureux ce serait juste une question de chance !

Difficultés du "doué" dans la vie

Avant de conclure en donnant ma réponse à la question posée, il convient de préciser certaines situations ressenties par les doués, voire surdoués.

Incompris par certains, si c'est par le corps enseignant c'est même catastrophique, les premiers de la classe deviennent souvent la cible des autres qui n'attendent que le moment de la chute pour la savourer.

Et qui ne connait pas dans son entourage des personnes ayant rapporté cette anecdote :

Du temps où le certificat d'études avait un sens, le fils arrivé fier de sa position de deuxième pour le canton, se faisant réprimander par son père : "je ne me suis pas saigné pour te permettre de suivre l'école pour que tu termines que deuxième !".

Côté enseignement, mis à part dans les classes adaptées, l'objectif est d'amener tout le monde à l'objectif de compétences, donc les corrections seront focalisées sur les points les plus mal compris.

Celui qui aura presque tout fait aura rarement le détail de ce qu'il n'a pas su faire, donc pour progresser il faudra qu'il aille chercher ailleurs et pendant les corrections il s'ennuiera, voire perturbera le cours de la classe en devenant exécrable vis à vis de ces "incapables".
Mais bon, ce travers de sentiment de supériorité devient une source de conflits entre "doués", il y a comme partout les bons et les méchants, c'est une question d'éducation.

La seule chose de sure, c'est que premier de la classe la seule évolution possible c'est la chute, de devenir le second, voire carrément échouer à une épreuve (ce qui peut arriver plus facilement qu'on ne pense dans la mesure où un habitué aux sommets n'est pas vraiment évalué donc ne peut pas voir la chute de ses performances).

Enfin, plus doué que ses profs puis plus doué que ses chefs, ce sont les soucis qui s'annoncent, donc pas vraiment du bonheur, les gens n'appréciant pas en général imaginer leur autorité contestée.

Voir les dysfonctionnements ne contribue pas forcément à l'épanouissement personnel.
La lecture du billet A propos de performance permettra à tout un chacun de se faire une idée sur le sujet.

Un bon prof puis un bon manager devraient savoir exploiter ces dons, ce n'est hélas pas donné à tout le monde de savoir reconnaître ces dons.

Plus doué donc plus heureux ?

En conclusion, pas de réponse générale selon moi, tout un contexte à préciser pour pouvoir y répondre.

Le plus doué risque d'avoir le plus de soucis s'il ne sait pas prendre de distance par rapport aux réactions du milieu extérieur.

Là la proposition de la publicité serait de dire qu'il n'y a pas besoin d'être doué pour être heureux plus tard. 

Personnellement en regardant dans le rétroviseur (je suis maintenant arrivé à un âge où tout ceci a une importance relative) je me rends compte que ce qui m'aurait été utile c'est d'apprendre à apprendre et savoir identifier les sources de progrès : le classement selon un référentiel notes m'a fait passer à côté de bon nombre de possibilités.

J'ai eu la chance d'avoir des centres d'intérêt hors milieu scolaire mais puisque techniques il était hors de question d'en faire un métier (passer un CAP avec ce carnet scolaire vous imaginez le scandale ?). 

Ma réponse sera donc "ça dépend"

Si le don concerne une discipline / une vocation et que l'adulte aura suivi cette voie, oui le plus doué pourra être le plus heureux.

Si le don n'est pas en lien avec la vocation première, ça risque d'être plus compliqué. 

Pour terminer ce billet, retour sur un parcours particulier.

Recalé au bac et ayant rejoint le monde du travail à 18 ans, après une carrière diversifiée, feu mon épouse a repris le chemin de la faculté en même temps que le fiston entrait à l'école, passant brillamment l'examen d'entrée à l'université pour aboutir au bout de quelques années (après DEUG puis licence) au diplôme de bibliothécaire et enfin pouvoir satisfaire sa vocation (cf. l'Hommage de GL à LLT). 

En résumé, pouvoir identifier là où on pourra s'épanouir permettra sûrement d'être plus heureux dans la vie.

Louis CHATEL le 8 septembre 2020