Les 3 piliers du Savoir

Dans les précédents billets vous avez souvent trouvé le Savoir au sommet d'un triangle avec une boucle à l'intérieur schématisant un cycle permanent.

Il est temps de faire une pause en essayant de cerner un peu ce Savoir dont j'ai déjà essayé de décrire la gestion dans Management des savoirs / Knowledge management.

Tâche a priori ardue, je vais essayer de faire simple, à vous de voir si le résultat est à la hauteur de cette promesse.


Illustration du savoir reposant sur les 3 piliers RH,RM et ENR

Les 3 piliers du Savoir

Dans un rythme ternaire, souvent mis en avant sur ce blog, le choix est fait de regrouper les différentes notions gravitant autour du Savoir en 3 catégories.

Les moyens Humains ou Matériels (au sens large) et le support du Savoir sous forme d'enregistrement.

Sur la figure ci-dessus où l'orateur partage un Savoir matérialisé par la courbe sur l'écran de projection au bout de sa baguette, nous avons représenté une partie du Savoir, donc par exemple l'enregistrement sous forme de slide PowerPoint de la courbe expliquant l'évolution de l'autonomie évaluée par l'ordinateur de bord, diffusée lors d'une réunion par un formateur (une RH - Ressource Humaine) et ce à l'aide du matériel ad hoc (RM) constitué ici par le vidéo projecteur et l'écran par exemple.

Mais en visio ce sera une caméra, un réseau internet, des tablettes ou des téléphones etc. 

La panoplie est potentiellement très vaste, il conviendra d'en limiter l'extension au juste nécessaire. 

Par exemple la nécessité de courant électrique pour alimenter tout ça peut être écartée de l'étude sauf au moment de l'enregistrement d'un Savoir se poser la question que va-t-il se passer en cas de coupure ? 

En résumé le triangle proposé c'est un ENR de Savoir produit par une RH à partir de RM. Nous allons détailler cette création mais auparavant nous allons développer les différents piliers.

Nota : la fin de boucle en pointillé schématise que le Savoir considéré va devenir une nouvelle ressource pour un prochain Savoir (qui pourrait être représenté dans un autre triangle ce qui mettrait en exergue les relations inter savoirs mais ce n'est pas l'objet du billet).

Les RH : Ressources Humaines

Les DRH aiment bien parler de RH. 

Nous pouvons évoquer les différentes personnes :

  • Le "sachant" : celui qui dit détenir le savoir (nous allons y revenir)
  • L'apprenant : celui qui va devoir se l'approprier pour son activité (par exemple)
  • Le formateur : celui qui va diffuser ce savoir 
  • Le communiquant : celui qui va aider à diffuser ce savoir 
  • Le rédacteur / caméraman / webmaster etc.. : celui qui va procéder à l'enregistrement du Savoir 

On peut poursuivre la liste, mais n'oublions pas le chef ou le prof et le chargé de RH qui aura à gérer tout ça et surtout le petit personnel souvent oublié, par exemple le tourneur qui aura réalisé les éprouvettes pour faire les essais, le laborantin qui aura procédé aux analyses etc.

Nota : il aurait mieux valu parler de rôles, la distinction en individus est faite pour insister sur un fait souvent oublié, pour chaque tâche il y a besoin de compétences spécifiques et ce n'est pas parce-que certaines activités sont devenues faciles à faire que c'est la solution de tout faire faire par la même personne. Demander à un maître de conférences de faire ses photocopies économise effectivement l'assistance mais au taux horaire de chacun l'économie n'est pas forcément réalisée.

D'ailleurs il est rare de voir un PDG perdre assistante et chauffeur, pourtant avec les TIC c'est facile de tout faire et conduire c'est une compétence de base !

Mais pendant qu'il est conduit, il peut s'occuper de ses dossiers. Pouvoir compter sur son assistante lui permet de se délester de tâches chronophages et de consacrer tout son temps à la gestion de son entreprise.

Cet exemple extrême pour évoquer la situation du mec en bas de l'échelle qui devrait savoir utiliser toutes les TIC, faire sa mise en page sous WORD et PowerPoint et aller présenter ses résultats. Tout "home made by himself" pendant qu'on y est. 

J'aurais l'occasion de revenir sur cette notion d'homme capable de tout faire (qui tient tous les rôles) VS un travail d'équipe avec des professionnels de la mise en page pour les enregistrements, des caméramans pour les vidéos etc, mais pour agiter les neurones, une proposition de référentiel de compétences.

Je connais un ingénieur maison issu des ENP dans la filière électrotechnique qui, ayant acquis un ordinateur de bureau avec deux lecteurs de disquette 3''1/2 et 5''1/4. Le grand modèle ne lui servant à rien il a décidé de le remplacer par un second de 3''1/2, ça c'était commun à l'époque, le soucis c'est que le BIOS n'était pas adapté. Qu'à cela ne tienne, il décharge l'EPROM, décompile le BIOS, modifie les lignes ad hoc, recompile le BIOS et recharge l'EPROM. 

Bon, d'accord il possède la machine pour ce faire, c'est donc simple. Mais il a aussi changé un synchro de la boîte de vitesse de l'auto de sa fille et accessoirement disposant d'une machine à bois réalise ses meubles.

Surhomme ? Non, juste un vrai technicien passionné qui maintenant retraité a trouvé son bonheur à aller donner un coup de main dans le Fablab de l'université d'à côté de chez lui. Ressource rare et brillante, c'est du gagnant gagnant. 

J'ai eu la chance de diriger un laboratoire d'essais statiques où mes prédécesseurs avaient constitué l'équipe en embauchant des professionnels issus des différents corps de métiers de la mécanique : un tourneur, un ajusteur, un soudeur etc... et accessoirement un électronicien en charge du support dont l'extensométrie. 
Et une fois sur place ils apprenaient le job pour réaliser les essais.
C'était un choix d'organisation qui a donné de la réactivité pour la confection des pièces d'adaptation.

Maintenant on passe commande et on attend qu'un sous-traitant réalise les pièces. Pour la mise au point avec des boucles de correction c'est beaucoup plus long... autre politique !

Les RM : Ressources "Matérielles"

Ca concerne toutes les autres ressources hors humaines. 

Il y a les autres savoirs bien entendu, savoirs faire, savoirs implémentés dans des logiciels, le big data.

Les moyens de production au sens large (machines outils, ordinateurs, caméras, lasers, horloges atomiques, amis aussi moyens de reproduction ou de diffusion...).
Depuis la tablette de pierre où on pouvait graver les signes jusqu'à la reconnaissance vocale permettant de dicter son message (se passant par la même occasion du dictaphone et de la dactylo en charge de retranscrire ledit texte) que de chemin parcouru.

La photocopieuse puis le copier collé qui permet de s'affranchir de l'armée de moines copistes... 

On pourrait faire un inventaire à la Prévert en suivant un ordre chronologique mais ça durerait longtemps, je vous laisse donc imaginer le votre.

Mais à chaque fois que vous identifiez une ressource, posez vous la question : "la personne à qui j'ai confié le rôle est-elle la plus pertinente ?"

Envoyer un bègue sur un plateau télé ça peut être productif côté temps d'antenne, mais un chargé de com bien briefé donnera peut-être une image plus sérieuse de la structure. Pourtant les 2 sont tout à fait aptes à utiliser cette ressource (le plateau télé).

Les ENR : les "ENRegistrements" ou "écrits"

On aurait pu commencer par là : le savoir est forcément enregistré quelque part.
Le savoir faire ancestral ça fonctionnait forcément pendant toute la période de la préhistoire, mais en cas de perte de celui qui sait (où aller chasser, comment tailler, comment faire du feu...) c'est tout un savoir qui disparaît. Combien de coins à champignons ont été perdu suite au décès des chargés de cueillette qui ne voulaient pas partager ce savoir transmis de génération en génération de façon orale.
Et là je vous accorde que de rendre l'information publique ça fera disparaître le gisement qui sera de fait immédiatement dépouillé.

Pour le savoir technique, je prendrai l'exemple des encyclopédistes au siècle des lumières qui on eu la volonté de mettre noir sur blanc le savoir. 

Depuis l'invention du transistor qui a permis l'explosion de l'informatique (cf. un peu d'histoire de l'informatique) et l'explosion de l'audiovisuel, certains confrontés à un manque de savoir vont directement chercher le bon "tuto" sur internet. C'est aussi un enregistrement, mais est-il auto porteur ? Se suffit-il à lui même ? Toute la problématique est bien là, comment s'assurer que le savoir est bien tout compris dans la vidéo ? 

Du texte construit et argumenté, citant ses sources, ça aide à donner confiance. 

J'aurai l'occasion de vous détailler quelques anecdotes pour vous montrer qu'un savoir non documenté correctement peut être faux malgré tous les documents certifiant la conformité ou alors l'ancienneté de son application : on a toujours fait comme ça car c'est comme ça qu'il faut faire !

Un programme qui fait des calculs : où sont les règles et formules utilisées ?

J'ai eu l'occasion de bosser avec un qui calculait des lois normales avec plusieurs algorithmes : pour tracer la loi normale représentant l'échantillon et précisant le taux de non conformes il n'utilisait pas le même que pour afficher le taux de non conformes dans un paréto : résultats différents d'une quantité négligeable mais qui permettait aux détracteurs de critiquer le thermomètre plutôt que de parler de la non conformité. 

C'est l'exemple type où le fournisseur refuse de détailler le fonctionnement interdisant ainsi tout audit.

En résumé, si le porteur du savoir est le seul à le connaître, le savoir ne peut être validé et pire risque de disparaître avec ce dernier. 

Mettre dans une bibliothèque (quelle que soit sa forme) le savoir c'est le rendre accessible.

Supprimer l'enregistrement du savoir (par exemple une notice d'utilisation d'un vieil équipement) c'est de l'obsolescence programmée. 

La création / formulation du Savoir

Pour bosser sur un sujet et trouver quelque chose, donc chercher, il est nécessaire d'être mandaté.

Donc d'avoir quelqu'un qui a parié sur le sujet et décidé d'y consacrer des ressources.

Quand Jobs a créé son premier ordinateur, il a pioché dans les ressources de Xerox qui avaient déjà inventé les composants mais pas vu le profit qu'ils pouvaient en tirer. Microsoft a complété le machin en mettant à disposition un tableur (Excel) qui deviendra plus tard la référence toutes plateformes.

Quand le patron de Kodak a décidé de rester sur l'argentique alors que sa compagnie avait développé tous les outils pour passer au numérique il a simplement coulé sa boîte.

Dans un petit billet de blog, je ne vous donnerai pas les recettes pour "trouver", par contre pour formuler ça peut se discuter : un formalisme ou standard (pour les thèses ça existe, pour les brevets aussi) permettra de fixer le cadre. Mais expert de la ponctuation le sommes nous tous ?
Un auteur a le droit à des correcteurs avant publication dans une grande maison d'édition, pourquoi un chercheur devrait batailler derrière son clavier ?

Pour faire des expériences en chimie par exemple, doit-il avoir les compétences d'un souffleur de verre ? 
Utiliser des éprouvettes déjà faites ou les services d'une équipe de publication, quelle différence ?

Le travail cérébral est le plus important, la mise en forme bien souvent un détail.

Et c'est là qu'au besoin un stagiaire ou mieux un nouvel embauché sera bien utile : capitaliser un savoir ancestral par un jeune sorti de l'école encore au fait des méthodes scolaires sera plus productif que de laisser l'ancien dépositaire du savoir ronchonner derrière son clavier qui ne veut pas passer à la ligne... 

Je caricature, mais l'équipe ainsi formée sera performante et contribuera en même temps à la transmission du savoir. Capitaliser et transmettre en même temps ça c'est productif. 

Une fois le contenu défini, mettre en forme dans le bon contenant ça peut être fait par le spécialiste du contenant, sous la tutelle du sachant bien entendu !

En complément de ce chapitre, disposer d'une règle écrite ça permet de savoir quoi faire, disposer du document permettant de savoir pourquoi cette règle a été écrite comme ça c'est vraiment le savoir. 
Donc considérer que le boulot est terminé une fois la règle formalisée est un raccourci dangereux qu'il conviendra de ne pas emprunter.

La transmission du Savoir

Il y a des pros de la formation.

Penser que le sachant est le plus à même d'assurer les formations est dommageable : il vaut mieux quand c'est possible constituer une équipe pluridisciplinaire pour constituer le module de formation et organiser le déploiement. 

  • Ingénieur pédagogique
  • Communicant
  • Formateur
  • etc

L'idéal c'est d'avoir dans la salle la possibilité de communiquer avec l'expert pour répondre aux questions qui pourraient être posées, au minimum lors de sessions tests.

Enfin, pour une équipe en charge d'utiliser ce savoir, le manager reste la meilleure personne pour assurer le déploiement à l'équipe, donc préférer un cascading avec un formateur relai.

En cas de remplacement d'un membre de l'équipe ça permettra une formation ad hoc lors de l'accueil du nouvel arrivant.

La Gestion du Savoir

Cf. le billet Management des savoirs / Knowledge management.

Conclusion

Nous avons évoqué les 3 piliers, ce billet sera complété par quelque exemple d'évidences mise à mal pour titiller votre esprit critique et par quelques idées de réalisations (à venir).

Une chose à retenir ? 

N'oubliez pas d'avoir l'esprit scientifique, donc de voir ce que tout le monde voit et de penser à ce à quoi personne ne pense.


Billet mis à jour par Louis CHATEL le 30/05/2022


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