A propos de la prise de responsabilité

L'incident fâcheux gare d'Austerlitz où une poutre est tombée / s'est cassée sur les voies générant un arrêt du traffic du RER (qui, signalons le, avait eu la mauvaise idée d'avoir d'avoir son parcours sous cette poutre !), a suscité un certain nombre de commentaires... personnellement je reviendrai sur cet incident ayant des conséquences majeures pour l'ensemble des usager  pour évoquer la question des analyses de risques, des expertises après accident et au final de prise de responsabilité des différents responsables des personnes en charge des activités (de la manutention à l'expertise des dossiers). 

Contexte du billet "à propos de la prise de responsabilité"

Comme j'ai pu le lire, on a déjà désigné la SNCF qui devrait tout mettre en oeuvre pour rétablir le traffic dès que possible (ce qui doit d'ailleurs être le cas au moment où j'écris ces lignes)... 

Pourquoi ne pas avoir carrément mis en cause les usagers des transports ? En cette période ce confinement on est censé rester chez soi, donc pourquoi avoir besoin des transports ?

En dehors de cette boutade, en région parisienne, les usagers utilisent les moyens mis à la disposition par la SNCF ou la RATP qui de leur côté mettent en application leurs protocoles de maintenance et de sécurité pour le bien des usagers et de la collectivité.

Quand une entreprise procède à des travaux au dessus des voies, il est évident que les opérations doivent de faire en concertation avec les entreprises connexes au chantier, ici la SNCF, mais à la base c'est quand même à l'entreprise de s'assurer du bon aboutissement du projet.

Donc quand les politiques tweetent en désignant la SNCF pour lui demander d'activer la reprise, sans citer les entreprises en charge du chantier (toute la chaîne d'ailleurs, de la maîtrise d'ouvrage à l'intervenant sur le chantier) qui ont ou auraient dû déployer en particulier des méthodes d'assurance qualité avant de venir poser la poutre en question qui n'est qu'un petit élément du projet ils oublient le principal : 

  • si une poutre est tombée, qui va avoir confiance dans la tenue des immeubles qui seront dessus ?

Dans le billet A propos de "la chute des panneaux publicitaires" j'évoquais déjà en parti le sujet de la prise de parole hasardeuse pouvant disculper les responsables.

Quelque que soit le sujet, il est indispensable d'identifier tous les protagonistes, de prendre les bonnes décisions et surtout de poser les bonnes questions, par exemple que prévoyez vous pour permettre la reprise la plus rapide du traffic (question posée à l'ensemble des protagonistes et pas seulement à celui qui a subi le dommage !

D'ailleurs, sans réaction par rapport à la solidité du dossier complet, les mêmes politiques pourraient être mis en cause si jamais un autre incident venait à se produire ultérieurement sur le même projet (par exemple effondrement d'un balcon quelques années plus tard).

Si un bon plan d'actions doit effectivement garantir la reprise la plus rapide possible du traffic dans des conditions de sécurité ad hoc, il ne saurait être question d'éluder les questions du type si ça a dysfonctionné là pourquoi pas ailleurs ? Le dossier est-il vraiment conforme ? Les sociétés de contrôle (SOCOTEC, VERITAS ou autre... il doit bien y en avoir une) vont-elles revoir leur vérification ? 

Je vous laisse imaginer toutes les questions à poser, en particulier si vous aviez à auditer le plan d'actions.

Revenons maintenant au sujet du billet du jour, à propos de la prise de responsabilité.

Le rôle du manager dans l'assurance de la bonne exécution d'une activité

Le manager, du moins de mon temps c'était comme ça, c'est celui qui est responsable de l'activité de son domaine. 

Il définit les ressources nécessaires et le méthodes employées, il délègue mais s'assure en même temps que le délégataire a les moyens de réaliser la chose déléguée (le billet Savoir, pouvoir et vouloir aidera à faire le tour de cette problématique).

Il doit procéder aux contrôles préventifs et lancer toute analyse après dysfonctionnement pour 

  • éviter que ça se reproduise (par mise à jour des méthodes employées ou du plan de formation par exemple)
  • prévenir le même dysfonctionnement dans d'autres secteurs ou activités

Pour ce faire, maîtriser la technique appliquée est utile, sinon il doit avoir dans son équipe le référent apte à le faire. 

On peut par exemple citer un responsable qui aurait pour l'aider dans sa mission un chef d'équipe, voire un expert calcul pour certains corps de métier (savoir jeter un oeil sur une note de calcul ou lire un plan ça peut éviter des tragédies).

Le chef les yeux rivés sur ses indicateurs de performance et sur son plan économies risque fort d'oublier les fondamentaux de son métier.

Là nous touchons une dérive du monde moderne. Par économie le chef d'équipe est supprimé, on ajoute au Cahier des Charges des pénalités en cas d'incident et on laisse chacun faire son métier.

C'est une façon de prendre ses responsabilités... mais aussi d'essayer de les faire porter par quelqu'un d'autre.

Dans les méthodes de résolution de problème, on cite souvent la méthode des 5 pourquoi.

Bien avant le 5ème pourquoi arrive toujours la responsabilité du management.... 

Ne pas accepter une mission si on n'a pas les moyens de la réaliser correctement devrait figurer dans le code d'éthique de tout bon manager.

A propos de l'érection de l'obélisque place de la concorde

C'est le 25 octobre 1836 qu'est enfin érigé place de la Concorde à Paris, l'obélisque en provenance du temple de Louqsor (vieux d'environ 4 000 ans, donc le plus ancien monument de Paris) après un long périple sous la direction de l'ingénieur Lebas.

C'est ce polytechnicien, ingénieur de la Marine, qui fut chargé de ramener et d'ériger l'obélisque.

Pour les calculs on peut faire confiance à sa formation :  il utilisa un système de contrepoids et les muscles de 350 hommes, le tableau de l'évènement montre la grandeur du système et de l'évènement.

Erection de l'obélisque place de la concorde

Ce qu'on ne distingue pas c'est qu'Apollinaire Lebas est resté volontairement sous l’obélisque. 

Il ne voulait pas survivre en cas de rupture de l'appareil et ce, pour éviter le déshonneur... mais on peut imaginer qu'il avait tout vérifié, des dimensions des cordes à la connaissance du processus mis en oeuvre par les 350 personnes. 

Les dérives d'objectifs incohérents

Pensez-vous que lors des achats des cordages nécessaires à la manoeuvre, la personne en charge a demandé aux fournisseurs de faire pour moins cher... voire d'utiliser de nouvelles sources d'approvisionnement.

Pourtant avec comme principal objectif les coûts, c'est souvent le cas, d'autant plus que même les fournisseurs mis sous contrainte vont de leur côté faire des économies pour faire baisser leurs coûts (du sable à bon marché dans la composition du béton pour la construction de ponts, de la ferraille non conforme dans les armatures... économies faisant voler en éclats les coefficients de sécurité bien souvent utilisés pour palier en partie ces écarts). 

Si le management des achats doit s'assurer que l'acheteur optimise bien les dépenses, il doit aussi s'assurer que ce dernier ne profite pas du manque de précision dans le cahier des charges pour économiser des opérations habituelles.
J'ai en mémoire la livraison d'un nouveau marbre rainuré dont les rainures n'avaient pas eu leurs arêtes cassées pour éviter les bords tranchants car opération non précisée au plan.
Cette économie d'une opération a certes permis à l'acheteur de réaliser des économies, mais après le plan a été mis à jour pour éviter ce genre d'incident et surtout il a fallu ébavurer les marbres réalisés avec cette économie à la main, opération rendant l'idée plus onéreuse au final pour l'entreprise. 

En conclusion, quelle prise de responsabilité ?

On peut rêver à partir de l'exemple d'Apollinaire Lebas : si nous avions le top management des sociétés impliquées dans la pose de la poutre citée en introduction en dessous de la poutre lors de sa pose, je pense que les dossiers auraient été traités de façon différente.

Il paraît que le stress des missions impossibles fait naître l'innovation... mais la notion d'essai erreur n'a pas toujours sa place dans toutes les étapes de tous les projets. 

Enfin, le politique qui a dans son carnet d'adresse les coordonnées des patrons des entreprises impliquées dans ce type de catastrophe devrait non seulement les contacter mais surtout vérifier que les procesus d'accords pour le lancement des chantiers n'ont pas laissé de failles conduisant à ce genre de dysfonctionnement. 

Peut-être que les catastrophes de Gênes et de la rue de Trévise devraient inspirer des audits dans nos modes de fonctionnement. 

Regarder juste l'impacté n'est pas une solution pérenne.

Louis CHATEL le 14 décembre 2020 

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