Vous pensez pouvoir hiérarchiser la misère ?

On parle parfois de Hiérarchisation des Normes, mais on est plus souvent tenté de hiérarchiser les misères de la vie quotidienne. 

En effet, qui ne s'est pas fait reprocher de se plaindre alors qu'à côté de ce qu'il a vécu il y en a d'autres qui ont subi pire comme expérience....

Peut-on vraiment hiérarchiser la misère ? (Vous avez 2 heures !)

Contexte du billet "Vous pensez pouvoir hiérarchiser la misère ?"

En cette fin d'année 2020, après 2 confinements et un couvre feu pour la conclure, il y a plein de raisons de se plaindre de sa condition personnelle : on ne peut pas ou on ne va pas pouvoir faire ci ou ça. 

Indépendamment de la crise sanitaire, il y a aussi les autres tragédies dans le monde mais aussi plus proche de nous, la maladie qui frappe durement certaines familles de notre entourage par exemple.

Avoir un proche, un ami, un conjoint voire son père en phase terminale dans un centre de soins palliatifs, c'est une situation difficile, je peux en parler pour avoir vécu au chevet de mon épouse de longues journées (cf. l'hommage à LLT d'ailleurs mis en vidéo l'année suivante Hommage à Patricia CHATEL).

Perdre un proche de façon brutale c'est un moment difficile à passer, le perdre des suites d'une "longue maladie" c'est rentrer dans un cycle infernal qui effectivement se terminera par un enterrement, mais est-ce pour autant que ça prendra la place la plus importante et que brutalement toutes les autres misères deviendront négligeables ? 

L'exemple est volontairement brutal, mais que penser des personnes qui ont leurs parents âgés de plus de 90 ans isolés sans possibilité de visite à cause de cas contact... et se voir impuissant devant des décisions administratives ou politiques devenues incompréhensibles. 

En conclusion pour hiérarchiser il faudrait pouvoir mesurer...

Exemple de hiérarchisation au cinéma

Qui n'a pas vu la scène du dîner d'anniversaire dans Coup de foudre à Notting Hill ?

L'enjeu est de prouver qui a la vie la plus malheureuse pour gagner la dernière part du gâteau. 

Et là, la Star qui a gagné une fortune pour son de son dernier ose prétendre concourir pour gagner cette dernière part.

Par exemple s'astreindre à un régime se traduit par une faim permanente depuis des années, sans parler des interventions chirurgicales douloureuses et j'en passe, je partage une petite sélection sur l'illustration de ce billet (*)


Photos extraites du film coup de foudre à Notting Hill

Si vous ne l'avez pas vu, je vous conseille ce film, ne serait-ce que pour cette séquence marquant la rencontre entre deux mondes que tout semblait devoir séparer.

Bonheur VS Misère

On trouve beaucoup de textes (voire de chansons) et d'approches différentes sur le bonheur, mais toutes avec la notion de chemin plutôt que de destination (cf. par exemple le partage de la définition du bonheur).

Pour la misère, il suffit de lire bon nombre de grands écrivains qui ont chacun à leur manière décrit la misère humaine (en particulier Victor Hugo), mais bon, ce n'est pas vraiment le sujet de réflexion du jour.

Indépendamment des drames écrits célèbres sur la vie des enfants au milieu de la révolution industrielle par exemple, avec la généralisation des journaux en direct 24h/24 diffusant les images des drames, on pourrait déclasser toutes les autres misères au fur et à mesure de l'apparition de la dernière.

La mort d'un proche comparé à celle d'une famille perdant lors d'un bombardement non seulement des parents mais aussi tous ses biens... et le tsunami à Fukushima (associé à la catastrophe nucléaire) qui a non seulement dévasté des familles mais aussi l'économie du pays, l'explosion au port de Beyrouth ayant un impact similaire à plus petite échelle, mais les faits sont là, il y a des catastrophes alors que valent les victimes du Bataclan face à ces désastres ? Pour les proches des victimes il n'y a pas de comparaison possible, il y a toujours pire ou mieux, c'est aussi l'éternelle opposition entre optimiste et pessimiste.

Vous trouverez toujours des personnes pour vous rappeler qu'il y a pire, Fukushima c'était peu de temps avant ma période de chevet de mon épouse, pendant mon séjour au centre de soins palliatifs dans les journaux c'était l'affaire DSK : pouvais-je comparer ma situation à la sienne ? Moi je n'y étais pour rien alors que lui avait une part de responsabilité. J'avoue ne pas y avoir pensé, il y avait plus urgent pour moi à l'époque.

Retrouver une chose que l'on pensait perdue peut être une source d'une extrême satisfaction même à pour quelqu'un de très malade. 

De même que réciproquement avoir une déception personnelle peut conduire une personne fortunée en bonne santé à des extrêmes irréversibles : ce qui me semble important c'est de savoir partager ses soucis pour éventuellement recevoir de l'aide et ses bonheurs pour aider les autres qui broieraient du noir. 

Tout comme il ne me semble pas y avoir de graduation pour mesurer le Bonheur, il n'y en a pas non plus pour mesurer la misère. C'est une question personnelle. 

En tout cas, pour mettre en perspective ces 2 notions, nous pouvons citer en comparaison l'opposition Chance VS Malchance, ce qui est très bien fait dans le livre Eloge de la chance, en particulier dans la successions d'évènements qui est décrite dans l’évocation d'un conte taoïste (cf. le billet rappelé ci-dessus).

Conclusion

Que dire pour conclure ? 

Nous pouvons nous rappeler la fable de Jean de La Fontaine "La Mort et le Bûcheron" que nous avons apprise à l'école.

Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.

Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?

Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.

Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire
C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.

Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d'où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes. 

Devant tant de misère on peut être surpris par la morale de cette fable Plutôt souffrir que mourir, qui peut d'ailleurs se résumer dans l'autre dicton : "tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir".

Pour chaque individu confronté à ses misères, sur le moment ce sera toujours le plus important à ses yeux, essayez donc de penser à autre chose quand vous venez de vous cogner la tête en vous relevant de sous une porte de placard restée ouverte par exemple.
Ce sera sur le moment le problème le plus grave, plus rien d'autre n'importera.

Une fois la surprise passée et la douleur un peu acceptée, confronté à un autre individu qui a aussi un soucis, si vous avez du temps à lui consacrer, la question ne devrait pas être de hiérarchiser, voire de minimiser son mal mais plutôt de voir ce que vous pouvez faire pour lui, ne serait-ce que de lui prêter une écoute attentive, voire lui apporter votre soutien.

Lui expliquer que vous souffrez plus que lui ne vous soulagera en rien et ne lui apportera aucune aide. Echange aussi inutile que dévastateur, le plus simple sera de ne rien dire ou faire. 

Ce sera ma conclusion : il n'est pas possible de hiérarchiser dans l'absolu, chacun a sa propre échelle de valeur et de ressenti. 

Il suffit de savoir être et rester bienveillant avec son entourage et de ne pas rentrer dans ces débats. 

Et surtout penser à ne pas rajouter aux misères en ne faisant qu'en parler et d'insister sur le côté difficile des moments à passer : plutôt proposer son aide dans la réalisation des tâches quotidiennes qui continuent malgré les drames en cours (sortir les enfants pour leur changer les idées, aller faire les courses, s'occuper des papiers etc... chacun a son niveau a une compétence qui sera utile pour venir en aide, pas celle de remuer le couteau dans la plaie).

Louis CHATEL le 18/12/2020

Billets connexes :

Le plus doué de la classe... adulte le plus heureux ? 

(*) si la rencontre entre le petit prince et le renard de St Exupéry me semble la meilleurs illustration du mot apprivoiser, je retiendrai ce dîner d'anniversaire pour la notion de hiérarchisation.

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